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Harcèlement

Harcèlement moral : responsabilité entière de l’employeur, malgré le comportement du salarié

Le fait que le salarié victime de harcèlement moral ait pu contribuer, par son propre comportement, à la dégradation des conditions de travail n’atténue pas la responsabilité de l’employeur. Les juges ne peuvent pas minorer le montant des dommages et intérêts dus au salarié pour cette raison.

Participation de la salariée victime dans la dégradation des conditions de travail

Dans cette affaire, une salariée représentante du personnel avait saisi les prud’hommes s’estimant victime de harcèlement moral et de discrimination syndicale. Elle demandait en réparation 50 000 € de dommages et intérêts.

La salariée produisait à l’appui de sa demande de nombreux éléments :

-deux tentatives de licenciement refusées par l’inspecteur du travail, car motivées par l'exercice de son mandat ;

-une entrave à l'exercice de ses mandats de membre du CE et de déléguée syndicale par le refus de convocation ou de fixation de dates de réunion du CE lors de ses jours d'absence ;

-des reproches sur le dépassement d'horaires dû au débordement de ses audiences prud'homales ;

-une mise en accusation devant les salariés lors des réunions des délégués du personnel.

Pour la cour d’appel, il n’y avait aucun doute sur l’existence d’un harcèlement moral et d’une discrimination syndicale.

Néanmoins, en se fondant sur les attestations de plusieurs salariés, la cour d’appel avait retenu que la salariée avait pu contribuer à la dégradation des conditions de travail par son propre comportement lors des réunions des représentants du personnel.

En conséquence, elle avait condamné l’employeur à verser à la salariée 5 000 € de dommages et intérêts sur les 50 000 € demandés.

Le comportement de la salariée n’atténue pas la responsabilité de l’employeur

La Cour de cassation a censuré l’arrêt de la cour d’appel.

Elle rappelle les dispositions du code du travail relatives aux obligations des salariés en matière de santé et sécurité au travail (c. trav. art. L. 4122-1).

Selon ce texte, tout salarié doit prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.

Il ajoute que ces dispositions sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l'employeur.

En clair, l’obligation de sécurité du salarié n’exonère pas l’employeur de sa propre responsabilité (cass. soc. 10 février 2016, n° 14-24350, BC V n° 30).

Appliquant ce principe à l’affaire en cause, la Cour cassation estime que l’obligation de la salariée en matière de santé morale au travail ne saurait affecter le principe de responsabilité de l'employeur.

Ainsi, quel qu’ait été le comportement de la salariée, l’employeur porte la pleine responsabilité du harcèlement moral.

La cour d’appel ne pouvait donc pas diminuer l’indemnisation due à la salariée en raison de sa participation dans la dégradation des conditions de travail.

Cass. soc. 13 juin 2019, n° 18-11115 D